[Archives lettre] N°7 – Lira-t-on le Goncourt dans le metaverse ?

“L’humour est presque toujours la colère maquillée.”
Stephen King (souvent énervé, mais peu drôle)


L’édito DE VIS COMICA
est d’une réalité non virtuelle

Prêts pour un édito fielleux ? Allez, c’est parti.
Cela fait si longtemps que je ne lis plus les prix littéraires d’automne (je me suis trop fait avoir par des Goncourt et des Renaudot et autres, mauvais, survendus, plombants…) que j’ai pris l’habitude de m’en passer et à vrai dire, je me sens plus tonique. Mon teint est plus frais, presque de pêche (de vigne). Savoir que je ne vais pas lire le Goncourt de cette année (« un magnifique roman de deuil » basé sur le fait que le compagnon de l’autrice est mort en motocyclette — ce qui est tragique, j’en conviens), encore moins le passionnant et trépidant Renaudot (« un écrivain septuagénaire écrit le scénario d’une série sur les Rolling Stones tout en entretenant une relation avec une femme beaucoup plus jeune que lui » — en espérant qu’il ne fasse pas, en plus, de la motocyclette. Si vous le lisez, vous me direz), ni même le Fémina (une femme réconciliée avec la nature si généreuse vit avec un ours transformé en humain —> !!! risques de ronflements sur canapé)… bref, depuis que je ne lis plus les prix, disais-je, je gagne en vitalité.

De fil en aiguille, je me suis demandé si on lira des livres dans le metaverse, ce nouveau truc qu’on veut vend, cet autre monde composé de multiples univers différents qu’il faut arpenter chaussé de lunettes de réalité virtuelle (la fausse). Après tout, il est dit que dans ces autres dimensions on pourra faire des choses folles, étonnantes, impensables, qu’on ne fait pas dans la réalité (la vraie). Or je pense que l’action de lire des livres fait de plus en plus partie de ces pratiques bannies de la réalité (la vraie). Alors, pour aller plus loin dans l’inimaginable, une question : lira-t-on des Goncourt, des Renaudot et des Fémina dans le metaverse ? Par exemple, si on crée un sous metaverse, le Livraverse ? (un univers où on lit des livres — je viens d’inventer le mot, je vais le déposer et me faire des nouilles, encore. Et ça sonne mieux que « bibliothèque » ou « librairie »… Ça peut être aussi « Livres averses », comme s’il en pleuvait, ou « Livres à verse », même idée) : Eh bien… non ! Tout simplement parce que dans la réalité virtuelle (la fausse) on vivra les expériences, et c’est qu’on vous serine. Le plus étonnant est que, durant l’opération, cette réalité (la fausse) deviendra la vôtre (la vraie). Mais je digresse.
Par exemple, dans le Livraverse, on ne lira pas les questions de motocyclette, on y fera directement de la motocyclette (sans casque de la [vraie] réalité), et on y sera en deuil, et on en parlera à tout ce monde des avatars qui traîneront là (ce qui sera plus simple que d’en parler à quelqu’un qui est payé pour en entendre parler). Dans le Livraverse, on ne lira pas les discussions entre la femme et l’ours, on conseillera directement à l’ours pendant le dîner de lire le dernier Despentes pour en prendre de la graine, et, comme l’autrice, on aimera s’allonger bras en croix dans l’herbe (virtuelle). Une combinaison haptique permettra de se faire chatouiller sous les aisselles par les brins d’herbe (la fausse). Dans le Livraverse on ne lira pas les textes de l’écrivain biographe des Stones, on y connaîtra directement des jeunes femmes qui elles-mêmes y connaîtront directement des vieux écrivains en panne (d’imagination, la panne ; car j’imagine qu’il y a des pages émoustillantes sinon l’histoire ne serait pas intéressante).

Deux lecteurs du Goncourt. Celui de droite est un motard en colère.

Bref, on y vivra les Goncourt, Renaudot et Fémina (faites-moi confiance, je suis prévisionniste et c’est vraiment ce qu’il va se passer — pourtant « La prévision est difficile surtout lorsqu’elle concerne l’avenir » selon Pierre Dac), mais on ne les y lira pas. Et ceci pour deux raisons :

1- Voyez-vous même le dispositif sur les images ci-dessus. Si j’ôte le casque pour lire, je reviens dans la réalité (la basse) et si je l’enfile pour être dans la réalité virtuelle (l’autre, la mieux), je ne parviens plus à lire. Il y a donc un problème, comme dit le mot qui est en train de devenir à la mode, de congruence. Toutefois, dans ce dispositif, ce qui sera minoritaire sera la gruence.

2- Parce qu’il ne faut pas pleurer dans les Livraverse ou metaverse (parce que le deuil ça fait pleurer, ou parce que c’est triste un ours à table alors que dehors c’est le mauvais temps d’anthropocène (ressenti : + 50°), ou parce qu’une histoire d’écrivain qui peine et sur les Rolling Stones et sur une jeune femme, ça peut émouvoir). Les larmes mouillent l’intérieur du casque de réalité virtuelle ; ça pique les yeux et il peut y apparaître à la suite cette petite odeur qui rappelle l’intérieur des chaussures de ski mal fermées lors une tempête de neige.

Lectrice du Renaudot qui évite cette année le Fémina à cause de son allergie aux poils d’ours.

Bref, lire ces histoires sera inapproprié dans le Livraverse, mais vivre le contenu des Goncourt, Renaudot et Fémina sera une expérience unique, et inédite. Fun et époustouflante ! En effet, qui n’a pas rêvé de se planter en motocyclette ? D’être un ours, finalement, dans le fond ? D’écrire d’un clavier semi-mou une biographie des Rolling Stones ? On voit que le progrès, c’est tout de même quelque chose qui nous fait comprendre que ce n’était pas mieux avant.
Oui, demain, vivons les bouquins avec bandeaux rouges, mais ne les lisons plus ! Ce sera bien plus expérientiel ! Parce que lire ces prix de la rentrée, en tout cas, dans le Livraverse, le metaverse ou dans la réalité (la vraie), risque, en sus, et tout de même, d’être très chiant. Sauf bien sûr, si on vit dans le Livraverse des classiques et en souhaitant être Lady Chatterley ou son amant, Conan le Cimmérien, Miss Scarlett, Hunter S. Thompson de Las Vegas Parano, ou Hank Chinasky (On évitera d’être dans le Livraverse selon les cas : par exemple Michel Strogoff — attention les yeux, ça brûle, ou Jane Eyre — les larmes, encore). Sinon ceux qui tenteront d’être Bartleby, Lassie chien fidèle, Oui-Oui au pays des jouets ou La princesse et le président du roman de Valery Giscard d’Estaing me raconteront. J’en suis curieux d’avance.
Enfin, oui, vivement demain. D’ailleurs j’attends de voir après les cadeaux de Noël ceux qui auront lu dans la réalité vraie ces livres primés de l’automne jetés dans les caddies avec le foie gras et le saumon fumé : on les reconnaîtra fin janvier dans la rue, déprimés en mode walking dead. Qu’ils sachent toutefois qu’ils seront toujours accueillis ici, parce qu’avec notre intérêt pour une littérature qui laisse la place à l’humour, eh bien, on rigole.
Mieux : on ricane, même, avec notre mauvaise foi, tellement on est bête.
Francis
(Images créées avec l’IA MIdjourney).


Au sommaire de ce numéro 7 : Roman fleuve, de Philibert Humm – La Daronne, d’Hannelore Cayre – Des brèves sur des lectures qui n’étaient pas si drôles – – En ligne : Gary Larson, dessinateur très écrit – Brèves de comptoir du mois – égopub de déjà Noël.


Vous êtes 17 809 568 à recevoir cette lettre et je vous en remercie (ça ralentit un peu, en gros : stabilité. J’ai perdu des lecteurs par exemple à Kherson (Ukraine), mais d’autres sont arrivés). (Vous pouvez vous en désabonner aisément en bas du courriel).

< JOIE ! JOIE ! 2 ebooks gratuits ce mois-ci sont offerts en téléchargement aux soutiens (ce sont deux polars humoristiques d’Eduardo Mendoza au format epub) > Mais c’est ouf !, comment font-ils pour avoir de tels privilèges ?  Et ce mois-ci on salue Lucie, nouveau soutien (nouvelle soutienne).

Ah oui au fait, rappel : mon dernier roman, auto-édité à la suite d’une souscription réussie est disponible ici en papier et epub. Mais vous êtes nombreuses et nombreux à le savoir ici (mais j’en reparle plus bas — tant qu’à faire).
Les images d’illustrations, outre les gifs animés de Buster Keaton, sont créées par ma pomme avec l’IA Midjourney.


ROMan FLEUVE, Philibert Humm

> Précision de dernière minute : l’article ci-dessous se perdant en louanges pour Philibert Humm a été écrit en avance, le 8 novembre… et bing !, le fourbe a raflé le Prix Interallié le lendemain ! Je n’en ai pas pour autant amendé mon texte, mais en tout cas cela signifie que chez VIS COMICA on a du pif. Et c’est aussi venu pile-poil contrarier mon édito (écrit le 8/11 aussi) qui prétend se défier des prix littéraires déprimants. (Mais c’est si rare, hormis parfois pour le Prix de Flore, qu’un roman d’humour exigeant rafle un prix d’automne. Comment pouvais-je prévoir ?). On notera tout de même en passant que le prix est présidé par Philippe Tesson qui est présent dans le roman en tant que personnage… dont des pages brocardent son fils « l’écrivain voyageur » Sylvain Tesson. Alors copinage ou sens de l’humour très développé des jurés Interalliés et du père Tesson ? Humm, vous dit-on…

[pré-requis : aimer les récits de voyage, aimer les parodies, les pastiches ; aimer toutes les formes d’humour, du grotesque à l’idiotie, de l’ironie à la satire, du non-sense au farfelu, du loufoque au caustique… ; aimer le style très écrit, un peu britannique à froid, et aimer lorsqu’il y a bien du panache d’érudition, d’écriture et d’esprit].
Voici la 4e de couverture de Roman Fleuve de Philibert Humm afin que vous sachiez dans quoi vous embarquez (Il s’agit dans ce récit de trois olibrius qui rallient la mer depuis Paris en descendant la Seine en canoé) : « Ce périple, les trois jeunes gens l’ont entrepris au mépris du danger, au péril de leur vie, et malgré les supplications de leurs fiancées respectives. Ils l’ont fait pour le rayonnement de la France, le progrès de la science et aussi un peu pour passer le temps. Il en résulte un roman d’aventure avec de l’action à l’intérieur et aussi des temps calmes et du passé simple. Ceci est une expérience de lecture immersive. Hormis deux ou trois passages inquiétants, le suspense y est supportable et l’œuvre reste accessible au public poitrinaire. À noter la présence de nombreux adverbes. L’éditeur ne saurait être tenu responsable des mauvaises idées que ce livre ne manquera pas d’instiller dans le cerveau vicié des nouvelles générations gavées d’écran et pourries à la moelle. »

illustration réalisée avec l’IA Midjourney qui n’a même pas lu le livre, toute intelligence artificielle qu’elle se prétend, pfff.

Il y a une certaine fatigue, sinon une paresse, à écrire des recommandations de lecture enjouées, sinon très enthousiastes, sinon très respectueuses sur le fond et la forme, en découvrant que quelqu’un, quelque part, a déjà tout dit à propos de Roman Fleuve de Philibert Humm, journaliste semble-t-il à Paris Match  (mais c’est un pseudo, humm ? Ce n’est pas possible ?). En effet une certaine Tilly a tout très bien dit > ici sur Babelio.
Rejouer le Trois hommes dans un bateau de Jérôme K. Jérôme, pousser le bouchon et Le Bateau (c’est le nom du bateau) aussi loin, le situer à notre époque aussi crasse que le sont les rives de la Seine jusqu’à la mer… Il fallait oser, et ce livre désopilant, brillantissime, de Philibert Humm en est la performance. Il y a surtout cette élégance de mêler une exigence intellectuelle, de la culture, des visions sur la vie, la mort, la mythologie, l’univers, l’infini et au-delà et le reste, aux références populaires les plus affligeantes. Il y a du brio à convoquer aussi bien Gérard Larcher que Véronique Sanson et en une page ou deux de régler à jamais son compte à l’écrivain entartable Sylvain Tesson à coup de traits empoisonnés au ridicule. Et puis, gloire à Philibert Humm pour les siècles des siècles d’avoir nommé le concept de « ventilation narrative » (l’art de la digression pour tirer à la ligne ou égarer le lecteur, et placer ce qu’on y peut dans les ventres creux du récit — un art qui me parle très haut) : rien que pour cela, respect absolu. Allez, je le dis : chef-d’œuvre. J’ai résisté à l’envie de vous copier-coller quelques passages, ce qui nous mènerait en un trop long périple… Mais vraiment, c’est pétillant, étincelant parfois. Cela monte en puissance de chapitre en chapitre. C’est remarquable.
[Dans le genre parodie d’expédition ou de voyage aventureux  — mais il va falloir convenir que Philibert Humm a posé une pierre supérieure, monumentale sinon définitive sur le genre, avec son Roman fleuve — je vous conseillerai en passant (forcément en passant) L’expédition polaire à bicyclette de Robert Benchley (Le Dilettante), et Première ascension népalaise de la Tour Eiffel de Pierre Charmoz (Gingko éditeur).]
Enfin, ultime remarque : Philibert Humm semble spécialisé en tout ce qui touche au voyage. Il est l’auteur d’un fort recommandable, assez drôle mais surtout aussi savoureusement écrit, recueil de textes sur les « Venise de »… « Suisse de »… et autres villes et régions officiellement comparées à  d’autres villes et régions d’ailleurs, Les tribulations d’un Français en France (> ici sur Babelio), et co-auteur avec l’écrivain Pierre Adrian d’une tournée de bars de France (pas lu, mais > ici encore sur Babelio) et d’un ouvrage jeunesse Tour de France par deux enfants d’aujourd’hui (> pas lu non plus). On attendra qu’il sorte  un peu des frontières hexagonales… Sera-t-il notre Bill Bryson ? (écrivain voyageur humoristique évoqué dans VIS COMICA n°4)… On adorerait.
Auteur à suivre !
(comme on dit, lorsqu’on ne sait pas trop comment terminer un article… mais dans ce cas précis en utilisant tous les moyens de transport possibles, pas seulement ses livres).
Les premières pages :

Roman Fleuve, Philibert Humm – EAN : 9782382842096 – Éditions des Équateurs (24/08/2022)
Merci à Claude Haber, soutien et correspondant officiel de VIS COMICA à Bruxelles, pour m’avoir conseillé cette lecture (et sauvé par la même occasion la rubrique nouveauté de ce numéro).


Une vieillerie (déjà) :
LA DARONNE
, HANNELORE CAYRE

[pré-requis : aimer les polars originaux dans leurs thèmes et personnages, aimer l’humour caustique et les visions de la société bien campées ; ne pas mâcher ses mots — de gauche].
Bon alors je débarque, vraiment : ce mois-ci je lis La Daronne d’Hannelore Cayre (pour laquelle j’avais des préjugés venus de je ne sais où, genre « ne serait-ce pas une banale autrice de polars de plus? ») et, tout trémoussant de plaisir avec ce roman original (très documenté), au personnage inhabituel et extrêmement bien bâti et surtout caustique et politiquement incorrect à souhait (mais aussi humaniste) je me réjouis de ma découverte… qui n’en est nullement une chez les lectrices et lecteurs, puisque j’apprends après coup que depuis quelques années il est déjà multi primé, vendu, adapté au cinéma… ! Toutefois, si par hasard un(e) ringard(e) tel(le) que moi ne l’a pas lu, je n’aurai pas perdu mon temps en le signalant ici. Bref, c’est un coup de cœur, et je lui trouve un succès amplement mérité.
La 4e de couverture : « Patience Portefeux, 53 ans, deux filles, un chien, un fiancé flic et une vieille mère en EHPAD. Patience trime. Patience est traductrice de l’arabe pour le ministère de la Justice. Des milliers d’heures à transcrire des écoutes entre petits dealers et grands bandits. Puis Patience franchit la ligne jaune : elle détourne une montagne de cannabis issue d’un Go Fast. Sans culpabilité ni effroi. Simplement une petite entorse morale. Et encore. Et Patience devient la Daronne.
Hannelore Cayre est avocate pénaliste à Paris. Elle est notamment l’auteur de Commis d’office, qu’elle a porté elle-même à l’écran.
« Cette aventure de rebelle qui n’a peur de rien est l’une des réussites de l’année pour sa férocité pleine d’humour, son mauvais esprit, son écriture acide et caracolante. » Christine Ferniot, Télérama ». (Bigre, me voici d’accord avec « Christine Ferniot de Télérama ». Je m’inquiète.).
Un exemple de propos « non consensuel » issu de La Daronne : « On ne m’enlèvera pas de l’esprit (même si mon ami flic m’affirme que je me trompe) que cette débauche de moyens, cet acharnement à vider à la petite cuillère la mer de shit qui inonde la France, est avant tout un outil de contrôle des populations en ce qu’elle permet de vérifier l’identité des Arabes et des Noirs dix fois par jour. », mais pour autant pas d’angélisme dans le jugement, exemple plus loin : « Porsche Cayenne aux vitres teintées encerclée d’emballages de fast-food jetés par terre et garée sur une place handicapé, rap et climatisation à fond, les portières ouvertes – gros porcs avec collier de barbe filasse sans moustache, pantacourt, tongs de piscine, tee-shirt Fly Emirates PSG flattant les bourrelets, et pour la touche accessoires chic de l’été : pochette Vuitton balançant sur gros bide et lunettes Tony Montana réfléchissantes. La totale. Le nouvel orientalisme ». En passant on soulignera les propos aussi jubilatoires que cruels et au scalpel portés par l’autrice sur les EPAHD : depuis sa parution (2017) on avait déjà appris qu’on ne s’amuse guère dans ces lieux de retraite…
Les premières pages :

La Daronne, Hannelore Cayre, Points – EAN : 9782757871096 – (08/03/2018).


EN BREF : MES lectures
du mois dernier

Statue qui représenterait Homère lisant un magazine littéraire (fin du VIIIe siècle av. J.-C.). Il aurait perdu la vue à la suite de la lecture d’une critique  prétendant que l’Iliade « est une farce désopilante ».

Cherchant fébrilement pour cette lettre des ouvrages récents entrant dans la catégorie qui nous intéresse ici, j’en ai goûté quelques-uns, hélas en me cassant souvent les dents (quand les livres se dévorent, la métaphore avec les dents est appropriée) — preuve s’il en est que le prosélytisme ici affiché pour la littérature humoristique n’est pas qu’une posture. J’en souffre aussi.
Alain Mabanckou : Le Commerce des Allongés. J’aime beaucoup les livres de Mabanckou. Celui-ci, une sorte de fable fantastique africaine m’a pourtant tôt lassé. L’humour est trop retenu ou alors je n’y suis pas sensible, et pourtant ce diable d’homme en a beaucoup. 
Iain Levinson : Un voisin trop discret.
Le bandeau sur le livre braille ces mots : « Le vaccin contre la morosité ». On se demande si l’éditrice a lu ce roman tant c’est mensonger. Passé le premier chapitre (toujours une réussite chez Levinson), qui est, certes, bien drôle, s’ensuit un entrecroisement des destinées de soldats envoyés en Afghanistan. Iain Levinson, qui fut une voix, un ton, un humour particulier (lire pour cela  chez Liana Levi « Tribulations d’un précaire : récit », « Un petit boulot« , « Une canaille et demie«  et « Trois hommes, deux chiens et une langouste«  — dans ce dernier livre la raison de la présence de la langouste est sans doute un de mes plus grands fous-rires de lecteur) devient de plus en plus ordinaire. Sans doute que depuis ses relations avec le monde du cinéma Levinson cherche-t-il à écrire du « prêt à filmer ». Quel dommage.
J’ai lu aussi des livres prétendument drôles (du moins en partie avant de les propulser sur les passants), mais je ne sais plus si j’en ai déjà parlé : La grande vie de Jean-Pierre Martinet, Le syndrome du canal carpien de John Boyne, Rien de sérieux de Naoise Dolan, Le chant du poulet sous vide, de Lucie Rico
: c’est sans intérêt. (Mais vous avez le droit de réagir, de me les renvoyer à la figure et de m’insulter si vous n’êtes pas d’accord).
(Précisons en passant que j’évite d’exprimer mes réserves sur quatre auteurs français présentés comme « hilarants » ou à « l’humour décapant », lus récemment mais avec hélas beaucoup de déception, car je les connais plus ou moins personnellement, par peur d’être taxé de teigneux, de zoïle, de mauvais camarade, en tant qu’has been du landerneau).


EN LIGNE :
Les dessins très écrits

de GARY LARSON
(et l’anatidaephobie)


Vous êtes priés de lire à voix haute cette « poésie de vache » (ou « poésie de la vacherie » ?) avec cette scansion particulière, lasse et désabusée, à l’ennui savamment distillé pour faire profond, des poètes beat des 60ties :

Collines lointaines
Les collines lointaines m’appellent.
Leurs vagues ondulantes séduisent mon cœur.
Oh, comme je veux m’élever dans leurs vallées lustrées.
Oh, comme je veux courir sur leurs vertes pentes.
Hélas, je ne peux pas.
Damnation de la clôture électrique !
Damnation de la clôture électrique !
Merci.

Comment ça ? : un dessinateur dans la lettre de la littérature et des écrits humoristiques ? Eh bien oui, pour plusieurs raisons :
1 – Je vous un culte à l’humour de Gary Larson. Je le place pour être une sorte de génie. Absurde, cynisme… Exigence intellectuelle, regard critique : c’est tout ce que j’aime et recommande.
2 – C’est très écrit, très référencé. Au point parfois que la moindre vignette déclenche en ligne des discussions interminables parce que tout le monde n ‘en saisit pas le sens (il peut y avoir des expressions cryptées, des jeux de mots complexes, et il peut être nécessaire de posséder des références culturelles pointues pour comprendre).
3 – Parce que le texte des vignettes est souvent est très élaboré pour obtenir le télescopage le plus fort possible avec le dessin. Parce que l’abondance et la cohérence des thèmes (la bêtise humaine, vaste programme), la récurrence des personnages (cow-boys, vaches, canards, chiens, chats, vieilles dames, couples âgés, naufragés sur une île déserte…), parce que leur leitmotiv, parce que la multitude des dessins elle-même… Ce tout constitue une œuvre indéniable.
[4 optionnel – Parce que c’est un très bon moyen de me faire travailler mon anglais, qui est au-delà du déplorable, du moins dans sa forme parlée.]
Gary Larson, dessinateur culte au travers de sa série The Far Side débutée en 1980 dans le journal San Francisco Chronicle a une influence telle qu’il a  créé en un dessin une légende urbaine, une croyance répercutée par une presse parfois peu sérieuse en matière de vérification. Ainsi réapparaît souvent cette création de Larson, la prétendue existence de l’anatidaephobie, soit la  « peur constante qu’un canard soit en train de vous regarder, en permanence, depuis quelque part, de quelque manière que ce soit ».

En fait, à la suite de la parution du dessin original, Tammy Duffey, une auteure américaine, s’est amusée à rédiger en 2008 les symptômes de la phobie, au profit d’une compagnie d’assurances dont la mascotte était… un canard. Elle y expliquait que l’anatidaephobie est « probablement liée à un traumatisme vécu durant l’enfance, en rapport avec un canard ou une oie », qu’elle se caractérise par « des épisodes anxieux tout au long de la journée » et « des émotions fortes et incontrôlables », et enfin s’avère « socialement handicapante ». C’est ainsi que le mythe de l’anatidaephobie s’est toujours plus répandu dans les magazines d’été entre les sujets récurrents (les « marroniers ») c’est-à-dire les OVNIs et le monstre du Loch Ness (ou en France, le burkini), et se trouve repris à l’envi.

Gary Larson est aussi à l’origine d’une autre phobie loufoque, la luposlipaphobie (ci-dessus) : la peur d’être poursuivi par une meute de loups autour d’une table, en chaussettes sur un parquet ciré. Mais celle-ci n’a pas encore pris… Phobie trop rare ?
Où lire du Gary Larson ?
Sur son site officiel, The Far Side : une dose quotidienne.
Sur Facebook : cherchez Gary Larson : une douzaine au moins de pages de fans partagent des dessins, les commentent, en débattent, se les font expliquer au besoin.


les (navrantes) brèves de comptoir
du mois

Dédiées à Bouvard et Pécuchet de Flaubert, elles ont été dites, puis écrites, puis durant plusieurs années publiées (de 1987 à 2000) et même jouées au théâtre. Elles sont éternelles. En voici en rapport avec des sujets encore d’actualité :
COP 27 et sobriété :
« Quand je suis piéton, je marche, sinon je prends la bagnole comme tout le monde ».
Environnement :
« C’est la campagne qui donne l’oxygène des villes !
— Mais non, c’est bien trop loin ! »
EPAHD qui craquent :
« La France vieillit, et ce n’est pas bon pour les jeunes ».
Élections américaines vues d’ici :
« Les États-Unis, il faut regarder, mais rien manger
« .
Violences dans les stades (chaque mois d’actualité) :
« Les hooligans font autant de mal à l’alcoolisme qu’au sport ».
Hausse du prix de l’énergie :
« Le gras protège du froid. À l’intérieur d’une motte de beurre, il fait 18-19°. »
Brèves de comptoir, de Jean-Marie Gourio, Robert Laffont Bouquins – 2002.


égopub de NOËL et idée cadeau

[pré-requis : devoir se cogner la corvée de cadeaux de Noël et commencer à y penser] Vous avez lu (ou non) mon dernier roman humoristique et satirique Au Lourd délire des lianes ? Offrez-le (ou pas) pour Noël avec des promotions incroyables que les Américains vous envient : dédicaces personnalisées, des marque-pages. C’est vraiment Noël > et c’est expliqué ici.


C’EST (pas drôle, car c’est déjà) FINI !

Rendez-vous le 17 décembre pour d’autres nouveautés, du classique, de la vieillerie, des trucs en ligne, etc. En attendant vous pouvez toujours écouter mes podcasts : > ici « Le Documenteur » et > là « Mais de quoi tu me parles ? » (je ferai de nouveaux épisodes un de ces quatre, promis) ou acquérir mon dernier roman (si ce n’est déjà fait). Vous pouvez aussi chercher l’inspiration lecture avec le PENSE-BÊTE / LA BANDE-ANNONCE DE VIS COMICA (les auteurs dont je parlerai, je ne parlerai pas, j’ai déjà parlé, que vous pouvez d’ailleurs alimenter > en m’en suggérant pour enfin une tentative d’élaboration d’une bibliothèque de l’humour en littérature. > N’hésitez pas à me faire remonter vos remarques et suggestions. >>> Abonnez-vous à VIS COMICA c’est gratuit, faites abonner les âmes perdues en expliquant (et partageant ce numéro) que c’est gratuit, voire soutenez (*) VIS COMICA ! À bientôt.

(*) Cela veut dire des cadeaux (ebooks), des trucs que je ne sais toujours pas encore quoi, l’accès à un forum pour tchatcher et se refiler des plans lectures, etc.


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