surtout si l’on veut bien la comparer à la maturité sereine
qui caractérise les adultes.
L’adulte non. L’adulte ne croit pas au Père Noël.
Pierre Desproges
(Manuel de savoir vivre à l’usage des rustres et des malpolis)
cet édito DE VIS COMICA
est vraiment faux-jeton
Prêts pour un édito hypocrite ? Allez, c’est parti. La moindre des choses, en tout cas pour les médias qui vous disent quoi et à quoi penser, c’est de « coller à l’actu ». L’actu, ce n’est plus l’Ukraine, ni la COP 27 ou la biodiversité : l’actu, Coco, c’est le foot, la France en finale (du moins encore pour ce week-end de la parution), et l’esprit de la magie de la trève de Noël. Pour ce numéro de VIS COMICA j’avais donc plusieurs choix :
1 – « ne pas coller à l’actu » — mais voilà l’actualité de la littérature et des écrits humoristiques est ce mois-ci moins charnue encore qu’un chapon des Restos du cœur… C’est le problème quand on s’intéresse à un sujet particulier, soit l’humour littéraire ou écrit, dont tout le monde se fiche. Faut que je réfléchisse à ce point.
2 – « coller à l’actu, » et donc vous recommander des lectures en adéquation avec celle-ci. Étant donné que je n’adhère guère à l’enthousiasme sur le foutebal, les vitrines de Noël et tout les bazars enguirlandés, mais que mes lectrices et lecteurs, eux, sont peut-être de ce bord étrange… Je n’ai que d’autres choix que de jouer celui qui n’a pas l’air d’y toucher, qui prend tout cela avec des pincettes et le soin de le préciser à tout bout de champ, mais mine de rien, va tout de même au charbon. On voit que c’est dur ce boulot que je me suis infligé. Heureusement, et après bien des affres, vous allez constater pour ce numéro j’ai fini par trouver de quoi conforter mon assise d’entre deux chaises qui plaira tant aux anti qu’aux pour (je ne tiens pas compte des indifférents, et c’est sans doute réciproque) : il y a donc dans ce numéro 8 et du football et du Père Noël — et, hop, je m’en tire bien quant à l’hypocrisie en répétant que les deux m’agacent. En somme je fais comme les médias qui appelaient à boycotter le Qatar, et qui couvrent sans retenue tous les matches, qui nous incitent à moins consommer et à penser aux pauvres sans électricité, mais vont nous chauffer les oreilles et nous casser les confiseries avec les « achats de dernière minute ».
Média, c’est un métier, vous dis-je : on ne rigole pas avec les principes et les ficelles. Heureusement, dans cette lettre qui paraît la veille de la fin de la Coupe du Monde de football quelques auteurs dans cette lettre clignotent comme des sapins et illuminent cette vallée de larmes, de tickets de caisse et de stades climatisés (*).
Bon, ce n’est pas tout cela : on se relit l’année prochaine, mi-janvier. D’ici là portez-vous bien et vous aurez droit à mes vœux, si je suis bien luné.
Francis
(*) pas terrible cette métaphore, je sais.
PS : au départ en guise d’édito faux-cul, je voulais juste vous reproduire une remarquable lettre d’insulte adressée au Père Noël écrite par un écrivain fameux 1- Mais dont j’ai oublié le nom, 2 – Qui était dans un recueil que je ne retrouve pas dans ma bibliothèque (ne prêtez jamais vos livres ; fâchez-vous plutôt avec vos amis et vos proches. C’est quelqu’un qui vous veut du bien qui le conseille). Alors j’ai cherché sur le web cette lettre magistrale : que pouic. J’aurais pu en écrire une moi-même, mais le sujet m’assomme peut-être autant que vous. Mais ce fouinant, j’ai trouvé la lettre efficace et plutôt directe ci-dessous qui m’a amusé, écrite en 2013 par un gamin américain (« Cher Père Noël, Comment vas-tu ? Moi ça va. Voici ce que je veux pour Noël » + adresse Amazon recopiée à la main).
Voilà. Tout est dit.
Au sommaire de ce numéro 8 : Pour Noël, dévorez un Finlandais – Noël tombe le 18 pour beaucoup d’entre nous, car c’est la fin de la Coupe du monde – Le mystère Sherlock – Bilan de 8 mois de VIS COMICA – Nouvelles brèves mais justes – La science justifie le Père Noël – égopub de déjà Noël.
Vous êtes 19 905 687 à recevoir cette lettre et je vous en remercie (ça reprend un peu, quelques milliers à peine. Les gens doivent avoir envie de rire à cause des prévisions sur le chauffage). Problème : sans électricité, comment vont-ils pouvoir la lire ? (Vous pouvez vous en désabonner aisément en bas du courriel).
pour NoËl, dévorez un finlandais
[pré-requis : des moufles, des moon boots, une écharpe, un bonnet, du vin chaud et de la cannelle ; aimer la Lohikeitto, les Grillimakkara, les Karjalnpiirakka, voire le Leipäjuusto].
Le village du Père Noël est à Rovaniemi en Laponie, Finlande, et Arto Paasilinna, écrivain humoristique mais pas seulement, mondialement populaire, est lui aussi finlandais. Même si on s’en fiche du gros monsieur rouge, c’est un prétexte idéal pour évoquer l’auteur du Lièvre de Vatanen (1), son ouvrage le plus connu, roman d’humour écologique (qui a fait l’objet d’un film (que je n’ai pas vu) en 2006 avec Christophe Lambert, Julie Gayet et François Morel !). Aussi, pourquoi ne pas, puisque c’est bientôt déjà bientôt déjà bientôt Noël (etc.), faire de Paasilinna un cadeau au pied du sapin pour les amateurs de littérature humoristique ? Cet auteur (une vingtaine de romans, mais pas tous drôles, ainsi, son célèbre Meunier hurlant, fable très résistible) pratique parfois un humour doux et débonnaire, lorgnant vers le poétique, qui met en scène des personnages décalés luttant souvent contre la mélancolie ou la dépression (pathologies finlandaises, bien sûr ; il n’y a pas cela chez nous) en conteur malicieux (2) et doucement ironique. Enfin, avec une tendance marquée, récit linéaire aidant, à pratiquer le road trip.
Voici une brève sélection sous label VIS COMICA ( = en fait, parmi ceux que j’ai lus) :
• Le lièvre de Vatanen : Vatanen est journaliste à Helsinki. Alors qu’il revient de la campagne, un dimanche soir de juin, avec un ami, ce dernier heurte un lièvre sur la route. Vatanen récupère le lièvre blessé, lui fabrique une grossière attelle et s’enfonce délibérément dans la nature… de multiples et extravagantes aventures l’attendent. Bon, c’est devenu un classique sympathique.
Plus axés grosse comédie (qui peut toutefois un peu trop s’étirer, mais vous jugerez) :
• Petits suicides entre amis : deux grands dépressifs finlandais ratent leur suicide et décident en reprenant goût à la vie d’aider tous les suicidaires de Finlande (de toutes sortes et pour toutes raisons des plus étonnantes) à en finir : organisation d’un symposium de 200 suicidaires, road trip en bus délirant jusqu’au Portugal pour aller en finir joyeusement… Un humour noir désinvolte et tendre au travers d’une galerie de personnages hauts en couleur.
Les mille et une gaffe de l’ange gardien Auvinen : un ange gardien tout frais émoulu de sa formation (mention spéciale pour les chapitres sur le séminaire de formation, les workshops bourrés d’un vocabulaire digne de LinkedIn, les travaux pratiques, ainsi que les réguliers débriefs avec l’Archange Gabriel) multiplie les bourdes en voulant aider son protégé. Ce n’est pas sans rappeler, en version finlandaise, l’excellent Un blues de Coyote de Christopher Moore, mais en moins cartoonesque.
Pour vous, car mon engagement est sans limite, j’ai lu aussi ce mois-ci Les dix femmes de l’industriel Rämerkorpi et Prisonniers du Paradis, mais là, déception :
– le premier se veut rabelaisien (un industriel fait la tournée de ses maîtresses au prétexte de leur distribuer des fleurs), mais peut-être est-ce une question de culture… mais j’ai trouvé cela vraiment lourdingue et pâteux…
– le second est un roman d’aventure très sérieux sur une île tropicale (un avion s’écrase ; on suit la vie du groupe de survivants) : c’est pire que la série TV Lost, c’est dire. Même Koh-Lanta doit être plus passionnant.
Je ne sais pas si je tenterai d’autres Paasilinna en mode humoristique (ou non)… C’est un auteur qui toutefois me paraît être surestimé (à l’instar par exemple des romans fables de Luis Sepulveda) et dont le succès est sans doute mérité, mais quelque peu démesuré. Mais vous avez peut-être repéré des pépites dans sa vingtaine de romans ? N’hésitez pas à nous partager vos coups de cœur !
Les deux romans recommandés sont offerts en ebook aux soutiens de VIS COMICA qui pourront donc dévorer du finlandais si ce n’est déjà fait [Amis soutiens : en vous connectant avec vos login de soutien, ils sont à télécharger en zone privée du site.]
(1) Et merci à Anne M. qui me l’a suggéré.
(2) En lisant Petits suicides entre amis, il m’est paru évident de rapprocher ce Paasilinna pour des questions de regard et de tonalité, de nombreux spectacles du conteur français remarquable et attendrissant qu’est Pépito Matéo, dont on parlera ici sans doute un jour.
c’est noËL Ce 18 décembre pour beaucoup d’entre nous, car enfin la coupe du monde de foot est terminée
[pré-requis : aimer ou haïr le foot ; en être indifférent ; devoir le supporter sans être supporter ; être dégoûté par le foot business et le foot politique et se réfugier sur les stades amateurs].
Il ne vous a pas échappé, à moins que vous ne fussiez avec Thomas Pesquet dans la station spatiale en train de l’écouter parler de ses étranges goûts musicaux, qu’en ce moment, c’est la Coupe du Monde, au Qatar (du moins encore « au moment où nous mettons sous presse » soit encore pour le weekend où paraît cette lettre — mais cela m’a semblé durer une éternité).
Marre du foot mondial et pourtant le foot, c’est bien ? Alors je vous recommande un vieux recueil de nouvelles humoristiques (que l’on trouve toujours) que — même moi — j’ai lu et apprécié naguère, et pourtant le foot n’est pas ma tasse de karak chai (1) : Le coup du sombrero de Marc Villard (L’Atalante, 2008). De petites nouvelles humoristiques sur la pratique du football à un niveau de compétition ras-le-gazon de 30e division.
L’auteur, extrêmement prolifique et plutôt porté sur la forme courte, est surtout connu pour quelques menus (au sens de minces) romans (dont Rouge est ma couleur chez Rivages), d’innombrables nouvelles policières et autres textes noirs toujours teintés de jazz, des scénarios de bandes dessinées, de la poésie… Il a surtout publié une série de recueils de nouvelles chez L’Atalante où il fait preuve d’un talent littéraire humoristique pointu, parfois féroce — et non dénué d’auto-dérision, ce qui est une marque et d’intelligence aigüe, sinon d’élégance. Il est aussi avec Jean-Bernard Pouy co-auteur de quelques recueils de nouvelles qui se répondent, façon duel en littérature sous contraintes. Je vous recommande donc fortement et au passage ses autres recueils de nouvelles drôlatiques que sont J’aurais voulu être un type bien ; Un jour je serai latin lover ; Bonjour, je suis ton nouvel ami ; Elles sont folles de mon corps et Souffrir à St-Germain-des-prés.
« Le coup du sombrero », dit Wikipédia, est (je recopie avec les erreurs dans la phrase) : « au football, un geste technique consistant à faire passer le ballon par-dessus son adversaire pour l’éliminer en la coinçant pour qu’elle saute. La trajectoire du ballon s’apparente alors à un sombrero imaginaire que porterait l’adversaire. » (Je n’ai rien compris. Pourquoi soudain « elle » pour parler du ballon ? Ce serait une balle ? Les ballons auraient-ils aussi des problématiques de genre ? Ou alors c’est l’adversaire qui saute, et c’est une femme ? Décidément, cette phrase et le football me resteront à jamais inaccessibles).
L’Atalante nous dit ceci à propos du recueil, et c’est strictement exact : « Dans ce recueil dédié à Diego Maradona, Marc Villard, pardon, « le bourreau de Bagatelle », jubile à entrecroiser ses vrais-faux exploits, passés et futurs, et ceux de ses héros. Le lecteur jubile à le lire. » Sur le site de Marc Villard, je découvre que je suis cité (j’ai dû écrire une critique dans une revue à l’époque de la sortie du livre : « C’est un Zidane de la nouvelle : droit au but et on se pâme. Sombrero ? Oui, chapeau bas ».) Bref, je maintiens et droit au but : lisez Villard.
Voici un extrait de la nouvelle La nuit tombe dans Le coup du sombrero (je ne vous reproduis pas de nouvelle complète, il y en a déjà peu, mais toutes sont goûteuses) :
« Avec Henri, on a posé nos pulls par terre pour faire des buts. Le soleil commence à décliner mais je vois bien l’autre enflé de Lambert qui grimace dans ses cages improvisées pendant qu’Henri nettoie ses crampons.
J’ai mes Puma rouges, aériennes, mon flottant à bandes blanches et la rage au cœur. Je vais lui enfiler des boulets, il verra rien, le mec. Je vais lui arracher la tête, le réduire en miettes, putain, j’ai horreur des nabots. C’est ça, enflé, ricane, ricane, mais tu vas pas ricaner longtemps.
Je me tiens comme Diego, buste en avant, bien campé sur les mollets, tout dans le bassin. Ondulation man, c’est myself. J’en ai rien à foutre de ses trois ans au Red Star, banlieusard de merde. Quand je dis sombrero, il répond qu’il préfère les chapeaux tyroliens. La tache absolue.
Quelle heure est-il ? Sept heures, ça commence à cailler. L’herbe se plie autour de nous et je distingue Nonoss au bord du terrain qui tire sur sa pipe comme un dément. On marche dans mon dos, c’est difficile de se concentrer dans le secteur.
— Allons, messieurs, c’est l’heure.
— De quoi ?
— Monsieur Lambert, monsieur Villard, au réfectoire comme tout le monde.
C’est Simone, l’infirmière des Mésanges.
— Mais qu’est-ce que je vois ! En short, à soixante-deux ans passés, et devant les pensionnaires. Allez, on rentre, et rangez-moi les déambulateurs.
Salope. Demain, j’irai vomir dans tes chaussons. »
Enfin, la 4e de couverture qui résume bien l’esprit :
(1) thé noir qatarien musclé avec cardamone, cannelle, vanille et du lait.
Le coup du sombrero, Marc Villard. Éditions L’Atalante (2004).
141 pages. ISBN-10 : 2841724212
PS : Si vous aimez vraiment le foot, il y a un livre pour vous du très nostalgique « humoriste, dessinateur de BD, scénariste et réalisateur » Didier Tronchet, Le Petit traité de footballistique (Albin Michel, 2004) pour vous parler avec amour de sa passion (> une recension ici)… hélas, s’il le fait joliment, il en parle très sérieusement… tandis que ses BD sont bien drôles (et je vous recommande d’ailleurs de lui… Houppeland, la dictature où c’est tous les jours Noël > deux tomes BD très drôles).
le mystère DU « MYStère sherlock »
[pré-requis : aimer les aventures de Sherlock Holmes, les mystères, le loufoque, ou carrément être holmésien(ne)]. Lorsqu’on range sa bibliothèque, on peut découvrir des choses mystérieuses. Ainsi, je viens d’y trouver dans la mienne un roman de Jean-Marcel Erre Le mystère Sherlock que je n’avais jamais lu et dont j’ignorais même l’existence. Ce qui est intrigant est : comment est-il arrivé là ? À l’intérieur s’y trouvaient toutefois deux indices : un ticket de caisse du 25 juin 2016 à 18h29, de 6,95€ et un billet d’avion de Paris à Nantes pour 19h35. Comme j’ai lu jadis « le canon » (1), soit les récits du Dr Watson nous narrant Sherlock Holmes, je sais qu’il faut être très attentif aux indices : j’en conclus donc avec mon ticket de caisse et mon billet d’avion que j’ai dû méchamment roupiller comme un gros paquet de fret durant le vol, et de retour à domicile ai rangé le bouquin sans avoir pensé un jour à le ressortir. N’étant pas du culte holmésien, j’avais dû acquérir ce roman pour son approche loufoque revendiquée.
Voici la 4e de couverture : Meiringen, Suisse. Les pompiers dégagent l’accès à l’hôtel Baker Street. Cet hôtel, charmant et isolé, a été coupé du monde pendant trois jours à cause d’une avalanche. Personne n’imagine que, derrière la porte close, se trouve un véritable tombeau. Alignés dans les frigidaires, reposent les cadavres de dix universitaires.
Tous sont venus là, invités par l’éminent professeur Bobo, pour un colloque sur Sherlock Holmes. Un colloque un peu spécial puisque, à son issue, le professeur Bobo devait désigner le titulaire de la toute première chaire d’holmésologie de la Sorbonne. Le genre de poste pour lequel on serait prêt à tuer…
Pour lutter contre la déprime ambiante, Le Mystère Sherlock est idéal. Les dix amateurs de Holmes, comme beaucoup de passionnés, sont de gentils farfelus. Ajoutez à cela qu’ils sont universitaires, et que l’auteur, qui connaît bien son monde, fait de ce microcosme un portrait fidèle et décapant.
Hommage décalé à Sherlock Holmes et à Agatha Christie, cette histoire de « chambre close » amènera aussi le lecteur, dans une perspective ludique, à s’intéresser au pouvoir de la fiction sur le réel.
C’est donc un holmésien qui se moque des holmésiens façon David Lodge et les universitaires d‘Un tout petit monde et les Dix petits nègres d’Agatha Christie (pardon, nouveau titre : Ils étaient dix) sous substance burlesque (c’est donc une double madeleine de lecture), et reste accessible aux lecteurs lambdas (ou spectateurs, vu le le nombre de films et séries qui découlent des écrits de Watson-Doyle). C’est aussi bien déjanté et gavé d’auto-dérision. Je ne connaissais pas cet auteur qui, apparemment, laboure le genre, et œuvre chez Groland et Fluide Glacial : je vais explorer ses autres livres…
(1) Les romans originaux (que les Holmésiens, secte d’adorateurs qui font perdurer l’œuvre de Conan Doyle, voire l’amplifient en écrivant des livres dérivés) constituent « le canon », terme qui signifie (pas que chez Doyle) « l’ensemble des faits s’étant déroulés, ainsi que tous les personnages, événements et lieux, considérés comme authentiques ou officiels, dont l’existence est indiscutable, émanant de l’auteur originel. »
Sur Sherlock Holmes et la loufoquerie, on pourra aussi signaler avec bonheur Les aventures de Loufock-Holmés, de Pierre-Henri Cami (« plus grand humoriste in the world » d’après Chaplin), chez l’Atalante : 15 petites pièces de théâtre burlesque, non sensique, absurde, illustrées avec esprit et talent par l’adorable homme, journaliste, écrivain et illustrateur nantais Nicolas de la Casinière (qui entre autres édite et emplit depuis des décennies de sa plume caustique le Canard enchaîné nantais, La Lettre à Lulu).
Le mystère Sherlock, J.M. Erre, EAN : 9782283025628. 328 p. Buchet-Chastel (02/02/2012), et Pocket.
Les aventures de Loufock-Holmès, Pierre Henri Cami, Nicolas de La Casinière (Illustrateur), EAN : 9782841720583, 238 p. L’Atalante (19/06/1998).
VIE interne ébouriffante DE VIS COMICA
[pré-requis : être en train de lire cette lettre de la littérature et des écrits humoristiques]. Au terme de 8 mois de publication, soit 8 numéros en comptant celui-ci, voici un premier bilan — même si 8 ne tombe pas juste :
– Vous êtes exactement £/klm%*¨ à la recevoir (c’est un secret industriel. Vous croyez que Bezos ou Musk balancent leurs chiffres comme ça ?).
– Vous êtes en moyenne 30 % à l’ouvrir et autant à la lire. Cela veut dire que %¨*%.?+, soit les 2 tiers, s’en foutent total. C’est leur droit, hélas, mais quand j’aurai le pouvoir croyez-moi qu’ils feront moins les malins.
– Il y a eu 1,9% de désabonnement (voir ci-dessus ce qui les attend), mais autant d’abonnements venus d’on ne sait où. Le nombre mystère d’abonnés reste donc stable.
– Le taux de lecture a augmenté soudain de 29% le mois dernier, mais je ne comprends pas pourquoi. (Peut-être est-ce le titre de l’édito. Il y avait le mot « métaverse » dedans. Faudrait que j’essaie de placer dans le titre « écoterrorisme », « chèque carburant » pour voir. J’essaierai aussi avec « bite ». Bon : à voir).
– Il y a 12 soutiens généreux ; certains même très généreux (merci!). J’aimerais animer avec des ressources davantage l’espace pour soutiens du site (et faire autre chose que d’y donner mes ebooks) mais je ne trouve guère d’infos à relayer : l’humour écrit n’est pas « un sujet », comme on dit aujourd’hui. C’est un point à travailler…
– Il y a eu 2 ou 3 (ou peut-être 4 ou 5) fois seulement de cas de lectrice/lecteur qui a relayé VIS COMICA dans son carnet d’adresse de réseau (merci à vous qui vous reconnaîtrez).
– Il y a eu très peu de remontées des lecteurs (mais merci aux rares qui l’ont fait !). Peu de suggestions, de remarques, pas de critiques, pas d’injures : personne ne m’aime ni ne me déteste. Ce monde est fade.
– J’ai fait plein de pub. Tout le monde aime bien l’idée, mais ce n’est pas davantage lu pour autant. Bon, OK. De toute façon de moins en moins de gens lisent. (En revanche faites le test sur Facebook en écrivant dans votre statut « Oh, je viens d’en lâcher une ! » : dans la seconde vous verrez qui est en ligne, en permanence et à n’importe quel moment en train d’y traîner, et qui a un avis à vous donner sur votre mésaventure). Avant c’était mieux, croyez-moi, et tout fout le camp).
– La tentative d’établir une bibliothèque d’auteurs humoristiques progresse peu à peu chaque mois.
– Mine de rien, c’est du boulot et pas si facile de dénicher des ouvrages labellisables VIS COMICA. Mais c’est le but de cette lettre que de les repérer aussi, me direz-vous. Certes.
– VIS COMICA peut accueillir des critiques, des articles, des nouvelles. Hélas, je ne peux pas rémunérer les contributions : au mieux vous créer un compte de soutien en échange de vos travaux ; compte avec lequel vous pourrez en vous connectant y télécharger des ebooks.
Cette lettre est le résultat d’une très vieille envie, d’un très vieux projet (je l’ai expliqué dans le 1er numéro), d’autant que depuis des décennies on me demandait régulièrement des pistes de lecture dans le genre humoristique. Ensuite, la lecture d’articles et l’écoute de podcasts spécialisés avaient achevé de me convaincre que les « newsletters de niche » pouvaient très vite cartonner (voire devenir un revenu !). Si on vous dit cela : frappez tout de suite la personne sur la tête en lui demandant si elle va bien à l’intérieur d’icelle. Cela étant, il se dit aussi qu’il faut plus d’un an de régularité avant qu’une lettre spécialisée ne décolle. Alors nouveau bilan dans 4 mois.
< JOIE ! JOIE ! 2 ebooks gratuits ce mois-ci sont offerts en téléchargement aux soutiens (ce sont les deux Paasilinnaa au format epub) > Mais c’est ouf !, comment font-ils pour avoir de tels privilèges ?
Ah oui au fait, rappel : mon dernier roman, auto-édité à la suite d’une souscription réussie il y a des lustres est disponible ici en papier et epub. Mais vous êtes nombreuses et nombreux à le savoir ici.
Les images d’illustrations sont créées par ma pomme avec l’IA Midjourney.
nouvelles brèves mais justes
• François Morel : à l’occasion de la sortie en novembre de Grâces matinales, l’humoriste de France Inter, superbe plume et bel esprit, chroniqueur-écrivain-acteur qui fut jadis Deschiens, sur Babelio recommande 3 livres. Outre Martin Eden, extraordinaire roman immarcescible de Jack London (qui n’est pas drôle du tout), il conseille, c’est le moins de sa part, Alexandre Vialatte (les 2 tomes des Chroniques de La Montagne ; tous les chroniqueurs sont peu ou prou fascinés par Vialatte) et Jules Renard (le Journal 1887-1910) ; deux messieurs fort recommandables dont on parlera un jour ici certainement.
• Donald Westlake : François Braud, écrivain, amateur éclairé de polars plus qu’éclairé et plus qu’amateur (il a été mon premier éditeur, gloire à lui) a rendu un hommage à Donald Westlake, monstre définitif et incontournable s’il en est de la littérature humoristique. On lira ceci ci sur son Bro Blog Black (« Donald, tu reviens quand tu veux ») et on y chipera au passage des recommandations de lecture concernant les derniers Westlake. (Un jour je vous raconterai comment j’ai demandé en mariage Donald Westlake à la Sorbonne devant 400 témoin, et comment j’ai une dédicace de lui sur le fabuleux Adios Shéhérazade où il s’est excusé, en réponse, d’être déjà marié).
• Le même François Braud, coïncidence, publie dans une rubrique sur l’histoire du polar français le 7 décembre un article sur une défunte revue de 2006, Shangaï Express, à laquelle je participais, et met l’accent sur une chronique que j’y avais écrite à propos d’une collection de polars lancée par Jean-Bernard Pouy, La Série Grise, dont les personnages devaient être des vieux et les titres des jeux de mots sénilo-comiques. J’avais complètement oublié tout cela et ai redécouvert mon texte comme s’il avait été écrit par un autre. Et je dois l’avouer sans modestie, il me paraît très drôle > ici en fin d’article.
• Fabien Roussel, secrétaire national du PCF, a reçu le Grand Prix 2022 de l’humour en politique du Press Club de France pour sa phrase : « La station d’essence est le seul endroit en France où celui qui tient le pistolet est aussi celui qui se fait braquer ». > Voir les autres lauréats. Le Press Club de France a publié un livre avec de telles phrases, mais il est réservé au club des journalistes et des politiques, ce qui n’est pas drôle.
• Salman Rushdie écrivain comique qui fait de l’humour une arme politique… mais voilà, on aurait oublié cette particularité ? Je crois sur parole l’impeccable Laélia Véron, linguiste chroniqueuse sur France Inter. > 5 minutes de podcast convaincantes à écouter ici.
• HAHA, la newsletter qui prend l’humour au sérieux parle majoritairement, gratuitement et mensuellement de ce qui se fait en cinéma, audiovisuel et spectacle vivant (les anciens numéros ici). On peut s’abonner à cette lettre et même au-delà, les soutenir via leur futur Club HAHA.Ça rame l’humour, ça rame. Souquez ferme les gars.
EN LIGNE : « Le Père Noël existe, la science l’a rencontré »
Comment prendre au sérieux quelque chose de farfelu (ben non, le gros barbu rouge n’existe pas, vite, éloignez les petits de l’écran) et en faire un article très sérieux… Voici un article du Daily Télégraph,qui avait été publié en français par Courrier International le 21 décembre 2012. [Pré-requis : aimer rire avec la science]
Le champion de la distribution éclair de cadeaux s’appuie sur les théories scientifiques les plus récentes pour mener à bien sa tâche colossale, tous les 24 décembre. Des chercheurs très pointus y croient, alors, pourquoi pas nous ?
Sur les cartes de Noël, ça a l’air simple : hormis des dérapages dus à l’ébriété des rennes, des cheminées trop étroites ou des tempêtes de neige, le Père Noël réussit toujours à livrer des milliards de cadeaux le jour dit, sans jamais se départir de son sourire ni de sa bonne humeur. Ses collaborateurs : quelques rennes et une poignée de lutins. Il n’y a bien sûr que les enfants, ces innocents, pour croire à cette propagande. Pourtant, la science a fait de tels progrès que cet exploit semble possible. Les problèmes sont considérables. Mettez-vous dans la peau de l’intéressé : comment savoir où les enfants habitent et ce qu’ils veulent ?
Comment voler par tous les temps, faire le tour du monde en une nuit, transporter un chargement de plusieurs milliards de kilos et atterrir sur les toits en silence et avec une précision à toute épreuve ?
Il y a quelques années, le magazine Spy s’était posé ces questions dans un article qui, depuis, a fait florès sur Internet. D’après la revue, le Père Noël aurait besoin de 214 200 rennes. Compte tenu de l’énorme masse représentée par les cadeaux, il serait freiné par “la résistance de l’air, ce qui ferait chauffer les animaux de la même manière qu’un engin spatial rentrant dans l’atmosphère terrestre”. Bref, “les rennes s’enflammeraient presque instantanément, tout en provoquant des déflagrations supersoniques assourdissantes. L’attelage serait volatilisé en l’espace de 4,26 millièmes de seconde. Le Père Noël, lui, serait soumis à des forces 17 500 fois supérieures à la pesanteur. Conclusion : s’il a un jour livré un cadeau dans la nuit de Noël, il n’a pas survécu à l’opération.”
Seulement voilà : le bonhomme n’est pas mort ; il revient tous les ans, infailliblement, déposer ses cadeaux. S’il arrive à surmonter des problèmes semblables à ceux que nous venons d’évoquer, ce ne peut être qu’en s’appuyant sur des techniques venues d’un autre monde.
Le marché du jovial barbu est énorme : l’UNICEF recense 2,106 milliards d’enfants de moins de 18 ans dans le monde. Compte tenu de l’origine païenne de la fête et de son esprit, on peut supposer qu’il livre des cadeaux à tous les petits et pas seulement aux chrétiens. C’est Noël, après tout. Sur la base moyenne de 2,5 enfants par foyer, l’homme à la barbe blanche doit faire 842 millions d’arrêts dans la nuit du 24 au 25 décembre. Supposons que ces foyers soient répartis harmonieusement sur les terres émergées de la planète. La Terre ayant un rayon de 6 370 km, sa superficie est de 510 millions de km2 (4¼r2, r étant le rayon de la sphère). Seuls 29 % des terres de la planète sont émergées, ce qui ramène la superficie habitée à 150 millions de km2. Supposons que chaque foyer occupe la même surface – soit 0,178 km2 -, la distance entre deux cheminées correspond alors à la racine carrée de cette superficie, soit 422 m. Tous les 25 décembre, l’homme aux cadeaux doit parcourir cette distance multipliée par 842 millions (nombre de foyers), soit environ 355 millions de km. Il lui faut donc bien du courage, d’autant qu’il doit s’acquitter de cette tâche en une nuit. Heureusement, il dispose de plus de vingt-quatre heures pour livrer tous ses présents. Prenons le premier point de la planète qui franchit la ligne de changement de date le 24 décembre à minuit. À partir de ce moment, le Père Noël peut commencer sa distribution. S’il reste sur place, il aura vingt-quatre heures pour apporter les cadeaux à tous ceux qui se trouvent sur la ligne de changement de date.
Supprimer les déflagrations supersoniques
Mais, en se déplaçant dans le sens inverse à celui de la rotation de la Terre, il peut distribuer des cadeaux pendant vingt-quatre heures de plus, ce qui fait quarante-huit heures en tout, soit 2 880 minutes ou encore 172 800 secondes. L’homme au manteau rouge a donc un peu plus de 2/10 000 de seconde pour passer d’une cheminée à l’autre. Pour couvrir la distance totale (355 millions de km) dans le temps qui lui est imparti, son traîneau doit filer à 2 057 km/s. La vitesse du son est – sans chipoter sur la température et l’humidité de l’air – de l’ordre de 1 200 km/h, soit 333 m/s. Le Père Noël atteint donc une vitesse approchant 6 177 fois celle du son : Mach 6 177 ! Si un traîneau, ou tout autre objet, dépasse la vitesse du son, il provoque au moins une déflagration supersonique. Il s’agit d’une onde de choc émise lorsqu’il rattrape les ondes qu’il engendre en se déplaçant, explique Nigel Weatherill, de l’université du Pays de Galles, qui a participé à la mise au point d’une voiture supersonique qui a franchi le mur du son en 1997. Mais aucune déflagration supersonique ne trouble généralement la nuit du 24 au 25 décembre.
Dans son livre Unweaving the Rainbow [“Détricoter l’arc-en-ciel”], Richard Dawkins s’appuie sur ce silence pour démontrer à un enfant de 6 ans, d’aucuns diraient cruellement, que le Père Noël n’existe pas. Mais, si cette explication semble convaincante au biologiste, aux yeux de l’ingénieur en aérodynamique, elle signifie plutôt que le héros des petits a trouvé le moyen de supprimer les déflagrations supersoniques. Ainsi, suppute Weatherill, peut-être annule-t-il les crêtes et les creux de l’onde de choc au moyen de creux et de crêtes d’antibruit produits par un haut-parleur spécial installé sur son traîneau. La vitesse de la lumière – 300 000 km/s – est, elle, absolue ; elle ne peut être dépassée. Il nous faut donc nous assurer que le voyageur nocturne n’enfreint pas la loi cosmique. Sa vitesse équivaut à environ 1/145 de celle de la lumière ; il n’est donc pas exposé aux conséquences de la théorie de la relativité élaborée par Einstein. Mais, dans cette hypothèse, le Père Noël se déleste de ses cadeaux en les jetant dans les cheminées quand il les survole. Or, dans la réalité, il lui faut s’arrêter à chaque maison, si bien qu’il doit se déplacer deux fois plus vite que nous ne le disions précédemment (au départ arrêté, il doit franchir la distance entre deux foyers en 2/10 000 de seconde). Cela revient à passer de 0 à 4 115 km/s en 2/10 000 de seconde, soit une accélération de 20,6 millions de kilomètres par seconde par seconde (km/s2). L’accélération due à la pesanteur n’est à chaque seconde que de 9,8 m/s2. Autrement dit, l’accélération du traîneau est à peu près deux milliards de fois supérieure à celle que provoque l’attraction terrestre.
En outre, l’homme au manteau rouge affiche une surcharge pondérale non négligeable – on lui accorde grosso modo 190 kilos ; il sera soumis à une force égale au produit de sa masse par son accélération, soit environ 4 000 milliards de newtons. Même les pilotes de chasse ne peuvent supporter une accélération supérieure à quelques fois celle de la pesanteur : ils doivent utiliser des auxiliaires respiratoires et porter une combinaison dite “anti-g” pour que leur cerveau demeure irrigué. Le pilote du traîneau céleste est confronté à une accélération environ deux milliards de fois plus importante : il devrait donc être réduit à l’état de “béchamel”, selon les termes de Lawrence Krauss, professeur de physique. Celui-ci s’est posé des questions identiques à propos de Star Trek [la série la Guerre des étoiles].
Perfectionner son traineau
Le vaisseau Enterprise s’en sort grâce à des dispositifs baptisés “amortisseurs inertiels” qui absorbent les forces que le capitaine Kirk sent au fond de son caleçon. Le Père Noël doit recourir à des subterfuges du même genre : dans son traîneau, il crée un monde artificiel où la force de réaction qui répond à la force d’accélération est annulée, peut-être au moyen d’une espèce de champ gravitationnel. Le bonhomme doit également faire face à une autre difficulté : son chargement de cadeaux. A supposer que chacun des 2,106 milliards d’enfants ne reçoive qu’un jeu de construction moyen (un kilo), le Père Noël transporte 2,106 milliards de kilos. À quoi il faut ajouter la réserve de carburant nécessaire pour atteindre les vitesses que nous avons évoquées… Bref, les problèmes ne manquent pas.
Larry Silverberg, chercheur à l’université d’Etat de Caroline du Nord, a décidé d’apporter des réponses scientifiques à toutes ces questions préoccupantes. Professeur de génie mécanique et aérospatial et membre du Centre de recherche de la Nasa sur les missions vers Mars, Silverberg considère le traîneau du gros barbu comme une merveille de la technique mondiale et dispose d’assez d’éléments pour être convaincu de son existence : “Le Père Noël s’appuie sur la recherche fondamentale pour perfectionner son traîneau. À cet égard, il est très en avance. Les enfants ne doivent pas écouter ceux qui prétendent qu’il n’existe pas au motif qu’il serait impossible de distribuer des jouets dans le monde entier en une nuit. Il y a bel et bien un moyen et il est fondé sur des faits scientifiques connus.”
D’après le Pr Silverberg, l’homme aux milliards de cadeaux exploite certaines propriétés de la théorie de la relativité d’Albert Einstein, qui s’appuie sur le principe selon lequel la vitesse de la lumière et les lois de la physique sont invariantes pour des observateurs qui se déplacent à des vitesses constantes les uns par rapport aux autres.
Compte tenu de cette relativité restreinte, notre sens commun s’y perd lorsque nous nous déplaçons à des vitesses élevées et notamment lorsque nous approchons celle de la lumière. Cependant, la vitesse de la lumière est constante, quelle que soit la position ou la vitesse de l’observateur.
Si le Père Noël lance une boule de neige depuis son traîneau fendant l’air, il aura l’impression qu’elle se déplace lentement. Un observateur terrestre trouvera, quant à lui, sa vitesse effarante : en effet, considérée depuis le sol, la vitesse de la boule de neige s’ajoute à celle du traîneau. La relativité nous enseigne que, dans le cas de la lumière, cette règle de bon sens ne tient plus : si le Père Noël allume une torche sur son traîneau, il en aura la même perception qu’un observateur assis dans la neige, en bas.
Pour nous, dans la vie de tous les jours, le temps et l’espace sont des absolus : les centimètres et les secondes sont les mêmes où qu’on se trouve sur la planète et quoi qu’on fasse.
En fait, pour que deux observateurs qui se déplacent à des vitesses différentes aient la même perception de la vitesse de la lumière (celle d’un rayon laser envoyé d’une planète à une autre dans un temps donné, par exemple), chacune de leurs “secondes” et chacun de leurs “centimètres” doivent leur être particuliers. Plus la vitesse du traîneau est élevée, plus le temps se dilate et plus l’espace se contracte, explique le Pr Silverberg.
La relativité restreinte laisse donc à l’intéressé tout loisir de distribuer ses cadeaux, alors que le temps dont il dispose est perçu par nous comme la durée d’un clin d’oeil. Le Pr Silverberg ajoute : “Dans son cadre de référence, c’est-à-dire quand il est dans son ‘nuage de relativité’, le temps se déplace beaucoup plus vite que dans le nôtre. Lui nous voit comme si nous étions cloués sur place. Il n’a même pas besoin de se presser : il a tout son temps.” Le Pr Silverberg et son équipe se devaient ensuite d’expliquer comment le plantureux gaillard parvenait à atteindre une telle vitesse.
À supposer qu’un traîneau-fusée lui permette de se déplacer aussi vite, il serait impossible de satisfaire ses besoins en carburant. C’est là qu’intervient le deuxième volet de la théorie de la relativité, la relativité générale, qui élargit la première théorie d’Einstein pour qu’elle soit compatible avec l’idée que les lois de la physique doivent être les mêmes pour tous les observateurs.
Einstein a eu l’idée de la relativité générale en s’apercevant que si le Père Noël, par exemple, tombe d’un toit, il ne sent pas son propre poids tant qu’il n’a pas touché le sol. Sa théorie a remplacé la conception newtonienne de la pesanteur : elle ne la considère plus comme une force mais comme la courbure de l’espace-temps, un cocktail à quatre dimensions de l’espace et du temps.
C’est au début du siècle que la théorie a commencé à pouvoir expliquer l’espace-temps. “Le Père Noël et ses compagnons du pôle Nord, rappelle le Pr Silverberg, ont compris cela depuis bien plus longtemps. En fait, ils ont appris à manipuler le temps, l’espace et la lumière.” Nous, nous commençons tout juste à comprendre les différentes implications de la relativité.
Couper-coller” des morceaux d’Univers
Mais l’homme à l’habit rouge, lui, “en est déjà aux applications : il crée des nuages de relativité qui abritent son traîneau et ses rennes”.
D’après la théorie de la relativité, la matière ne peut pas se déplacer dans l’espace à une vitesse supérieure à celle de la lumière. En revanche, il n’y a pas de limite à la vitesse à laquelle l’espace lui-même peut se déplacer : le traîneau peut donc être installé dans une petite bulle d’espace qui se déplace à une vitesse “supraluminique” à travers l’espace normal. Autre explication du phénomène : les objets peuvent voyager localement à des vitesses peu élevées et pourtant se déplacer plus vite que la lumière parce que le tissu de l’espace-temps se détend.
En 1994, Miguel Alcubierre, de l’université de Cardiff, a démontré que cette incohérence apparente est compatible avec la physique moderne. Selon Alcubierre, si une distorsion spatio-temporelle déforme l’espace en un point donné de telle sorte qu’il est en expansion derrière le traîneau du Père Noël et se contracte devant lui, le vaisseau est propulsé en même temps que l’espace dans lequel il se trouve, chevauchant la crête de l’onde.
Dans ce système, l’espace-temps autour du véhicule est déformé de telle façon que celui-ci peut se déplacer d’une cheminée à l’autre sans ressentir la moindre accélération ou presque. Au contraire, l’espace-temps entre le Père Noël et la cheminée qu’il laisse derrière lui étant en expansion, il le rapproche de la suivante.
Localement, le traîneau ne circule jamais plus vite que la lumière, car celle-ci est également transportée par l’onde d’espace en expansion. Mais il n’empêche que cette “onde” d’accompagnement permet de franchir des distances énormes en un rien de temps, et donc la distance réduite qui sépare les cheminées.
Le Père Noël peut même faire encore plus fort et “couper-coller” des morceaux d’Univers, grâce à des raccourcis dans l’espace-temps appelés “trous de ver”. Cette idée a été approfondie par le mathématicien Ian Stewart, de l’université de Warwick.
Imaginons que l’espace-temps soit courbe, comme une feuille. Les trous de ver permettent de prendre des raccourcis, d’éviter les trajets en courbe à la surface de la feuille et d’en emprunter qui traversent l’Univers par l’intérieur. Le Père Noël pénètre dans une galerie, la parcourt et ressort à un autre endroit. Il peut emporter une extrémité du tunnel et faire en sorte que l’autre se matérialise dans chacun des lieux où il se rend : il n’a plus à descendre dans des cheminées pleines de suie et ne risque plus de rester coincé dans les canalisations de chauffage central.
Dernière question : comment les rennes volent-ils ? D’après le Pr Silverberg, la réponse se trouve dans la génétique. Après des siècles de sélection et de manipulations génétiques, leurs poumons peuvent s’emplir d’un mélange d’hélium, d’oxygène et d’azote qui leur permet de flotter. Dès lors, tirer le traîneau ne leur pose plus le moindre problème.
Fort de toutes ces explications, est-ce que vous pouvez vraiment continuer à croire que le Père Noël n’existe pas ? Roger Highfield
égopub de NOËL
et idée cadeau
[pré-requis : devoir se cogner la corvée de cadeaux de Noël et commencer à y penser] Vous avez lu (ou non) mon dernier roman humoristique et satirique Au Lourd délire des lianes ? Offrez-le (ou pas) pour Noël avec des promotions incroyables que les Américains vous envient : dédicaces personnalisées, des marque-pages. C’est vraiment Noël > et c’est expliqué ici.
< Père Noël qui aime tant le dernier roman de Francis Mizio qu’il a déménagé en Guyane chez les Macroqa (et il en est très content).
C’EST (pas drôle, car c’est déjà) FINI !
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