Ce roman écrit par un humoriste, et de fait on a l’impression de lire un long « stand up », bourré de « punchlines », de bonheurs d’écriture, d’inventions langagières et argotiques, de vitalité… est hilarant. Outrancier, provocateur (absolument tout et n’importe quoi y passe, à commencer par le narrateur), cette tchatche infernale a le don de provoquer des éclats de rire entrecoupés d’ahurissements tant est monstre le culot de l’auteur en cette époque de censures permanentes, justifiées ou hystériquement absurdes.
L’amour, c’est surcôté de Mourad Winter est un OVNI désopilant qui tient sur une intrigue minuscule : un type veut « ken » une fille, et n’y parvient pas, se faisant trimballer durant tout le récit émaillé d’une galerie de personnages tous plus hauts en couleurs les uns que les autres. Passées les premières pages — il faut s’habituer à ce style oral, parfois SMS, déstructuré (mais sans aucun doute très travaillé ; le ton est maintenu avec énergie ; une voix, un rythme et une musique y sont uniques tout du long), on est embarqué dans une verve infernale. Façon stand up, certes, mais bien plus intéressant que par exemple celui d’un FabCaro (Le Discours) qui s’en voit définitivement ringardisé dans ses ambitions et arguments petits bourgeois somme toute très convenus.
Précaution devant les provocations et les sujets touchy abordés (en tout cas, on vous prévient) : il ne faut pas être Virginie Despentes, ni Éric Zemmour, ni « woke », ni de droite (encore moins d’extrême droite), ni « bobo », ni LGBT+, ni membre de l’Académie française, ni juif, ni même arabe, ni même beur, ni people (on en passe)… en bref, n’être pas susceptible ou bégueule pour se régaler de ce roman épatant, parfois grossier mais jamais vulgaire, frais, tendre — et finalement bien plus profond et moral qu’il n’y paraît a priori — aux détours d’allusions, de clins d’œil, de références à la culture populaire. C’est un texte qui en effet met à l’épreuve l’auto dérision de chacune et chacun. Toutes ses précautions dites, il conviendra aussi de lire sans trop tarder cette farce périssable car bientôt nombre de plaisanteries et autres allusions seront incompréhensibles sans un solide appareil de notes de bas de page. Enfin, les linguistes se régaleront sur le parler d’aujourd’hui, et les sociologues feraient bien de s »y pencher pour approcher ce qu’est le présent de la jeunesse à une époque qui, cela se confirme a bien besoin d’être disséquée au moyen d’une puissante mais salutaire dérision tous azimuts. Quoiqu’il en soit, c’est une étonnante réussite. VIS COMICA se penchera sans tarder sur le deuxième roman de Mourad Winter Les meufs sont des mecs bien, sorti l’an dernier, pour voir si ce festival de créativité drolatique perdure.
Présentation de l’éditeur : Une idée : la séduire. Lui, c’est Wourad. Il a vingt-sept ans. Il aime bien dire que c’est l’âge du Christ… quand il avait vingt-sept ans. Il trouve ça drôle. Il est lourd parfois. Et souvent il est misogyne, homophobe, raciste. Il coche toutes les mauvaises cases. Un gars un peu paumé. Un gars qui n’a jamais su qui il était vraiment. Un jour, il rencontre une fille. Pas du tout paumée, on dirait. Sacrément futée, même. Comme il adore les paris débiles, il se donne trente jours pour la ken. Pas un de plus. Mais il va lui arriver un truc inattendu. Un drôle de truc, avec elle. Elle, c’est Imène.
EAN : 9782221253526 – 288 pages – ROBERT LAFFONT (03/06/2021)