L’humour en littérature : « Il n’y a pas de recette, il faut être juste »
> Reproduxction de l’article de Anne-Sophie Pédeger paru dans Le Populaire du dentre, le 22 juin 2024 à l’ocxcasion du festival « Lire à Limoges ». (je sais : c’est pa&s bien).
Cette rencontre au Petit auditorium du centre culturel Jean-Gagnant ce samedi après-midi est passée trop vite. Dans la salle, beaucoup de femmes. Sur scène, trois hommes, trois auteurs : Pascal Fioretto, Jérôme de Verdière et Guillaume Clicquot. À la fois drôles, caustiques, chambreurs, sérieux, ils ont partagé leur vision de l’humour dans la littérature.
Pascal Fioretto est journaliste, écrivain, chroniqueur, scénariste et prête-plume français. Il est surtout connu pour ses pastiches de romans dont Gay Vinci Code (2006), Et si c’était niais (2007), L’élégance du maigrichon (2009).
« Comme le disait Proust, le pastiche a des vertus purgatives et exutoires, explique-t-il. C’est de la critique littéraire en action. C’est une manière de poser un regard amusé et amusant sur la scène littéraire. Moi, je fais du pastiche contemporain. J’écris des livres à la manière de. Quand on fait cet exercice, il faut d’abord lire l’œuvre de l’écrivain. Ensuite, on la restitue avec un récit original. Et dans ce récit, quand on concentre tous les tics et les tocs d’un auteur, il se trouve qu’il y a un effet humoristique…si tout va bien. On découvre un portrait qui est une caricature. Et il y a souvent des caricatures qui sont plus ressemblantes que des portraits ! »Dans son dernier pastiche, celui d’Annie Ernaux Les soldes chez but, d’Annie Ernox, prix nobel de littératchure (2024), il continue à « faire du faux, à mystifier et démystifier » avec brio. Et il en rajoute : « Annie Ernaux, j’espère qu’elle a apprécié son pastiche parce que je lui ai quand même écrit un livre, plus épais que ceux qu’elle a écrits et dans lequel il y a tout de même toute son œuvre. ! Elle explique comment elle a obtenu son prix Nobel et je l’envoie aux États-Unis où elle enseigne l’écriture plate. Je ne l’ai pas inventé. Elle est pour l’écriture plate. Pour elle, il faut écrire comme on rédige un constat d’assurance ou un mode d’emploi de grille-pain… »
Guillaume Clicquot, scénariste original des films Papa ou maman et Joyeuse retraite, est aussi l’auteur de Prenez-moi pour une conne et de La fille du terrassier. Pour lui, la force du récit passe par le dialogue bien ciselé et les personnages intéressants. Sa nature à rigoler, à dédramatiser le quotidien par le rire, se retrouve souvent dans l’écriture. Et pour savoir si cela fonctionne, il a sa méthode : « Quand l’histoire se met dans ma tête, je commence à écrire et je peux faire des séances d’écriture pendant 12, 15 heures d’affilée. Je suis renfermé, autiste. Je suis là, mais pas là. Ça me vide la tête. Mais lorsque j’arrête, je ne me souviens plus de ce que j’ai écrit. J’ai une mémoire de poisson rouge. Alors, je me relis et par moment, je me fais marrer ! ».
Jérôme de Verdière, journaliste, animateur de radio et de télévision, et auteur de La Robe et de Mauvaise mer. Rien de drôle a priori. Dans La robe, il interroge les bouleversements de notre société et les relations de couple, se moquant aussi bien des progressistes que des réacs auxquels, dit-il, il appartient. Avec Mauvaise mer, il décrypte les rapports mère-fille sur le thème des douleurs enfouies et des non-dits.
« Je pense, confie-t-il, que ce qu’il y a de plus comparable à un auteur, c’est un acteur. Les comédiens quand ils jouent ne doivent pas “faire drôle”, parce que c’est toujours une tragédie au départ. Un écrivain, c’est pareil. On n’écrit pas pour faire rire. Le rire advient. Il faut être le plus juste possible. Le rire peut arriver là où cela n’a pas été décidé. Ce sont souvent les lecteurs et les lectrices qui nous en font le retour. »
Et quand Pascal Fioretto lance en conclusion : « Y en a-t-il parmi vous qui participent à des ateliers d’écriture payants ? ». C’est pour piquer une dernière fois, faire rire l’auditoire et se moquer de ces masterclass d’écriture qui, selon lui, « ne servent à rien ». « Nous, c’est dans notre nature d’écrire des conneries, ça ne s’apprend pas ! »